Etude approfondie de livres concernant l'assassinat du Président Kennedy (annexe 1 memo 1035-960 CIA)


1. (Sauf indication contraire, les données factuelles mentionnées aux paragraphes 1-9 sont non classifiées) Quelques-uns des auteurs de livres récents sur l'assassinat du Président Kennedy (par ex Joachim Joesten, Oswald : assassin ou bouc émissaire ?, Mark Lane, Un jugement hâtif, Leo Sauvage, L'affaire Oswald : un examen des contradictions et des omissions du rapport Warren, avaient publiquement affirmé qu'un complot existait avant que la Commission Warren ne termine ses investigations. Sans surprise, ils se sont immédiatement agités afin de montrer qu'ils avaient vu juste et que la Commission avait faux. Grâce à l'immense matière publiée par la Commission, une partie de celle-ci étant contradictoire ou trompeuse lorsqu'elle est sortie de son contexte, ils avaient eu peu de difficultés à trouver des éléments confirmant leurs propres théories. Ils ont alors, dans certains cas, obtenu des dépositions nouvelles et divergentes auprès de témoins. Et ils ont généralement échoué à débattre de la réfutation de leurs premières déclarations dans le rapport de la Commission, appendice XII (spéculations et rumeurs). Cet appendice est toujours un bon endroit pour chercher des éléments allant à l'encontre des théoriciens.

2. Quelques écrivains sont apparus comme enclins à la critique par sympathies anti-américaines, d'extrême gauche ou communistes. Le « Comité qui a tué Kennedy[1] » anglais comprend certains des plus critiques oraux les plus obstinés des Etats-Unis, comme par ex Michael Foot, Kingsley Martin, Kenneth Tynan, et Bertrand Russel. Il a été révélé publiquement que Joachim Joesten avait été un ancien membre du parti communiste allemand (KPD) ; un document de la Gestapo du 08 novembre 1937 issu du Ministère des Affaires Etrangères Allemand microfilmé en Angleterre puis renvoyé au service de la détention en Allemagne de l'Ouest montre que sa carte du parti portait le numéro 532315 et était datée du 12 mai 1932. (l'original de ces documents sont maintenant disponibles au Ministère des Affaires Etrangères Ouest-Allemand à Bonn ; la copie peut-être trouvée sous la référence T-120, série 4918, encadrement E256482-4. Le Bureau Britannique des Documents Publics doit également en avoir une copie). L'éditeur américain de Joesten, Carl Marzani, a été condamné une fois à de la prison par un jury fédéral en cachant son appartenance au Parti Communiste (CPUSA) afin de solliciter un emploi du gouvernement. Des informations disponibles indiquent que Mark Lane a été élu vice-président au Conseil New-Yorkais pour l'Abolition de la Commission de la Chambre sur les Activités Antiaméricaines[2] le 28 mai 1963. ; il a également assisté au 8ème Congrès de l'Association Internationale des Juristes Démocrates[3] (une organisation internationale du front communiste) à Budapest du 31 mars au 05 avril 1964, où il a exposé ses opinions (pré-rapport) au sujet de l'assassinat de Kennedy. Dans les remerciements de son livre, Lane exprime sa reconnaissance spéciale envers Ralph Shoenman de Londres « qui a participé à et soutenu l'ouvrage » ; Schoenman est bien sûr l’américain expatrié qui avait influencé l'ancien Bertrand Russel ces dernières années. (voir également le paragraphe 10 ci-dessous sur les efforts communistes afin de relancer les spéculations sur l'assassinat)

3. Un autre facteur a été la manne financière obtenue par les livres à sensations. Un jugement hâtif de Mark Lane, sorti le 13 août 1966, s'était déjà vendu à 85 000 exemplaires début novembre et les éditeurs en ont imprimé 140 000 exemplaires à ce jour, afin d'anticiper les ventes à venir. Le 1er janvier 1967, la rubrique critique littéraire du New York Times mentionnait que le livre était dans le classement de la catégorie générale des meilleures ventes, ayant été le plus vendu pendant 7 semaines et dans la liste pendant 17 semaines. Lane est également apparu dans approximativement 175 émissions de télévision et de radio, et il a donné des conférences publiques, tout cela à des fins publicitaires. Il a également mis sur pied un téléfilm, et il est en train de le proposer à des producteurs Européens ; la BBC a acheté les droits pour 45 000 $. Alors que ni Abraham Zapruder [4], ni William Manchester ne devraient être assimilés aux critiques de la Commission dont nous parlons ici, les sommes payées pour le film de Zapruder sur l'assassinat (25 000 $) et pour les droits du livre La mort d'un Président de Manchester (665 000 $) indiquent l'argent disponible pour tout ce qui touche à l'assassinat. Quelques journalistes (par ex Sylvan Fox, Les questions sans réponse sur la mort du Président Kennedy ; Leo Sauvage, L'affaire Oswald) ont publié les sommes versées pour leur connaissance journalistique.

4. Mis à part les raisons politiques et financières, quelques personnes ont apparemment publié des comptes rendus simplement parce que cela les démangeait de livrer au monde leur théorie, par ex Harold Weisberg, dans son Whitewash II, Penn Jones Jr, dans Pardonnez ma douleur, et George C Thomson dans La quête de la Vérité. Le livre de Weisberg a d'abord été publié d'une manière privée, encore qu'il ait finalement atteint le rang de publication commerciale. Le pavé de Jones a été publié par le journal d'une petite ville du Texas dont il était éditeur, et le petit livre de Thomson par sa propre entreprise. L'impact de ces livres sera probablement très faible, tant que leurs auteurs apparaîtront aux yeux des lecteurs comme des hystériques ou des paranoïaques.

5. Une technique habituelle parmi d'autres chez les écrivains est de poser autant de questions que possible, sans s'inquiéter d'en développer les conséquences. Herbert Mitgang a écrit une parodie de cette approche (son questionnement se rapporte à l'assassinat de Lincoln) intitulée « Une nouvelle enquête est nécessaire » dans le magazine du New York Times daté du 25 décembre 1966. Mark Lane, en particulier (qui se présente comme l'avocat de Oswald) adopte la technique classique de défense de l'avocat consistant à balancer des détails sans rapport afin de faire s'installer dans l'esprit du jury un degré de « doute raisonnable ». Sa tendance à s'égarer dans des détails sans importance a conduit un observateur à formuler que tandis qu'un bon avocat devrait avoir l'instinct dirigé vers la veine jugulaire, l'instinct de Lane va dans les capillaires. Sa tactique, mais également son culot, ont été caractérisés quand, après avoir demandé à la Commission de payer ses frais de voyage en Angleterre, il a raconté à cette entité une histoire sensationnelle (et incroyable) d'un complot de Ruby, tout en refusant de citer ses sources. Le Juge en Chef Warren a dit à Lane : « Nous avons toutes les raisons de douter de la véracité de ce que vous nous avez dit jusque là. » - selon les règles juridiques en vigueur, une réprimande très dure pour un avocat.

6. Il faut reconnaître, cependant, qu'un autre genre de critique a récemment émergé, représenté par une enquête d'Edward Jay Epstein. Epstein adopte un ton cultivé, et pour le lecteur occasionnel, il apparaît comme un cas plus cohérent, plus raisonné que les écrivains décrits ci-dessus. Epstein a fait changer d'avis des gens comme Richard Rovere et Lord Devlin, auparavant partisans du rapport de la Commission. Le critique quotidien du New York Times a dit que le travail de Epstein est un « grand tournant » qui a rendu respectable le fait de douter des conclusions de la Commission. Ce phénomène de respectabilité a été mis en valeur dans le numéro du magazine Life du 25 Novembre 1966, qui contient une affirmation qu'il existe un « doute raisonnable », ainsi que dans une réédition d'extraits du film de Zapruder (détenu par Life), et enfin lors d'un entretien avec le gouverneur Connally [5] qui répète sa conviction qu'il n'a pas été touché par la même balle qui a frappé le président Kennedy. (Connally n'est cependant pas favorable à une nouvelle enquête). Epstein a lui-même publié un nouvel article dans le numéro d'Esquire de décembre 1966, dans lequel il minimise l'opposition à son livre. Une copie d'une première critique des opinions d'Epstein par Fletcher Knebel, publié dans Look le 12 Juillet 1966, et, une analyse officieuse non classée (par "Spectator") complètent cette dépêche, traitant des questions spécifiques soulevées par Epstein.

7. Ici, il convient de souligner que les compétences de Epstein dans la recherche ont été grandement exagérées. Certaines illustrations sont données dans l'article de Fletcher Knebel. En guise d'exemple, le livre de Epstein se réfère (pp. 93-5) à une image recadrée d'un homme trapu prise à Mexico, en disant que la CIA l'a donnée au FBI le 18 Novembre 1963, et que le Bureau [Ndt : le FBI] l'a transmise à son tour à son agence de Dallas. En fait, les affidavits[6] contenus dans le rapport Warren publié (vol. XI, pp. 468-70) montrent que la CIA a concédé l'image au FBI le 22 Novembre 1963. (Chose intéressante, dans son livre Un Jugement Hâtif, Mark Lane affirme que la photo a été fournie par la CIA dans la matinée du 22 Novembre ; (début de SECRET) le fait est que le FBI a vite transmis la photo directement de Mexico à Dallas immédiatement après l'arrestation d'Oswald, avant que l'image d'Oswald n'ait été publiée, avec la chance qu'il puisse s'agir de Oswald. La raison pour laquelle la photo a été recadrée était que le fond révélait l'endroit où elle avait été prise). Un autre exemple : où Epstein rapporte (p 41) qu'un rapport d'entrevue des services secrets a même été sorti des Archives Nationales, cela est faux : un membre des Archives a dit à l'un de nos agents que Epstein venait là et demandait le memorandum. On lui a dit qu'il était là, mais qu'il était classifié. En effet, les Archives ont ensuite informé les services secrets qu'il y avait eu une demande pour le document et les services secrets l'ont déclassifié. Mais à ce moment, Epstein (dont la préface donne l'impression d'une recherche d'archives prolongée) avait choisi de terminer ses recherches dans les archives, qui avait seulement duré deux jours, et il avait quitté la ville. Pourtant Epstein accuse la Commission d'avoir été trop hâtive dans son travail. (Fin de SECRET)

8. Mis à part ces échecs dans les recherches, Epstein et d'autres intellectuels critiques présentent des symptômes d'amour pour la théorisation et de manque de bon sens et d'expérience affichée par Richard H. Popkin, l'auteur du Second Oswald. Parce que Oswald a été signalé avoir été vu simultanément dans des endroits différents, un phénomène pas surprenant dans une affaire sensationnelle où des milliers de témoins réels ou présumés ont été interrogés, Popkin, professeur de philosophie, pose l'hypothèse qu'il y avait en fait deux Oswald. À ce stade, la théorisation devient une sorte de jeu logico-mathématique ; un exercice de permutations et de combinaisons ; comme l'avocat de la Commission Arlen Specter l'a fait remarquer, « Pourquoi ne pas en faire trois Oswald ? Pourquoi s'arrêter à deux ? » Néanmoins, en dehors de son livre, Popkin a été en mesure de publier un résumé de ses opinions dans le New York Review of Books [Ndt : Critique de Livres de New York], qui a été repris par le Nouvel Observateur français, par le New Times de Moscou, et dans le Baku's Vyshka. Popkin y formule indirectement une accusation sensationnelle, en disant que « les critiques de l'Europe occidentale » voient l'assassinat de Kennedy dans le cadre d'un complot subtil « peut-être même attribuable (dans les rumeurs que j'ai entendues) au successeur de Kennedy. » Une certaine Barbara Garson a fait la même insinuation d'une autre manière par sa parodie de « Macbeth » de Shakespeare, intitulée « MacBird », avec évidemment le président Kennedy (Ken O Dune) dans le rôle de Duncan, et le président Johnson (MacBird) dans le rôle de Macbeth. Mlle Garson ne fait aucun effort pour prouver son opinion ; elle insinue simplement. Probablement que la forme indirecte d'accusation provient de la crainte d'un procès en diffamation.

9. D'autres livres sont encore à paraître. La mort d'un Président de William Manchester, non encore publié, est à ce stade débarrassé de tout élément personnellement répréhensible à l'encontre de Mme Kennedy. Il y a des signes encourageants : Jacob Cohen écrit un livre qui paraîtra en 1967 sous le titre Un verdict honnête, prenant la défense du rapport de la Commission, et l'un des avocats de la Commission, Wesley J. Liebeler, est également en train d'écrire un livre comme cela a été rapporté, en mettant en avant les deux côtés. Mais de nouvelles critiques apparaîtront sans aucun doute ; comme le Washington Post l'a souligné dans son éditorial, le récent décès de Jack Ruby va probablement conduire à la spéculation qu'il a été « réduit au silence » par une conspiration.[7] 

10. La probabilité de nouvelles critiques est renforcée par le fait que les propagandistes communistes semblent récemment avoir intensifié leur campagne visant à discréditer la Commission Warren. Comme déjà indiqué, le New Times de Moscou a réédité des parties d'un article de Richard Popkin (numéros des 21 et 28 Septembre 1966), et il a également fourni un long compte rendu élogieux sur l'édition suisse du dernier ouvrage de Joesten dans son numéro du 26 Octobre. Izvestiya a également fait la promotion du livre de Joesten dans des articles des 18 et 21 Octobre. (Etant donnée cette publicité et le fond communiste de Joesten et de son éditeur américain, ajouté à l'insistance de Joesten pour jeter le blâme sur les objectifs communistes préférés de HL Hunt, le FBI et la CIA, il semble raisonnable de soupçonner que le livre de Joesten et son exploitation font partie d'une opération planifiée de propagande soviétique). Se référant le 5 Novembre à l'insertion des photos de l'autopsie dans les Archives Nationales, Tass a rapporté que le refus d'accorder l'accès du public à celles-ci, la disparition d'un certain nombre de documents, et la mort mystérieuse de plus de 10 personnes, tout ceci fait que de nombreux Américains croient que Kennedy a été tué à la suite d'un complot. Les émetteurs radio de Prague et de Varsovie ont profité de l'anniversaire de l'assassinat pour attaquer le rapport Warren. La presse bulgare a mené une campagne sur le sujet dans la seconde moitié d'Octobre ; un journal communiste grec, Avgi, a jeté le blâme sur la CIA le 20 Novembre. D'une manière significative, le début de cette campagne d'intensification a coïncidé avec une demande soviétique pour que l'ambassade américaine à Moscou arrête la distribution de l'édition russe du rapport Warren ; Newsweek a commenté (le 12 Septembre) que les Soviétiques apparemment « ne voulaient pas de simples faits qu'ils pouvaient obtenir à leur manière. »



Notes :

[1] Le "Comité qui a tué Kennedy ?" était une création de Bertrand Russell, invitant des éminentes personnes de la vie intellectuelle Britannique à se joindre à ses réflexions sur l'assassinat de Kennedy (voir ce lien, notamment pour disposer d'une liste des membres de ce comité : http://22november1963.org.uk/bertrand-russell-16-questions-on-the-assassination)

[2] Le House Committee on Un-American Activities e
st une commission d'enquête de la Chambre des représentants des États-Unis, créée en 1938, ayant pour objet d'enquêter sur des cas supposés de subversion ou de propagande qui attaquent "la forme de gouvernement garantie par la Constitution des Etats-Unis." Dès 1946, son objectif principal sera la lutte contre le communisme. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/House_Un-American_Activities_Committee

[3]
L'Association internationale des juristes démocrates est une organisation internationale d'associations de juristes, fondée le 24 octobre 1946, proche de l'Union Soviétique. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Association_internationale_des_juristes_d%C3%A9mocrates

[4] Abraham Zapruder est devenu célèbre pour avoir filmé l'assassinat du président John F. Kennedy, le

[5] Le Gouverneur John Connally était présent dans la limousine présidentielle le 22 novembre 1963 à Dallas quand le Président Kennedy fut assassiné. Il fut blessé officiellement par la "balle magique". Le Gouverneur Connally a pourtant toujours affirmé avoir été touché après le Président, par un tir séparé.  

[6] Un affidavit est plus ou moins une déclaration sous serment, terme utilisé principalement dans le droit Anglo-saxon. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affidavit

[7] Le 3 janvier 1967, Jack Ruby, qui avait assassiné Lee Harvey Oswald en pleine rue lors d'un transfert deux jours après l'assassinat de Kennedy, meurt d'une embollie pulmonaire consécutive à un cancer avancé. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Jack_Ruby




 

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