Les tentatives d'explication

par MikE

 

Je suis bien loin d'être en mesure moi-même d'expliquer ces dysfonctionnements qu'il est à présent difficile de réfuter d'un revers de la main tant les cas s'accumulent.

Je vais simplement ici me faire l'écho d'un article du Figaro daté du 1er juin 2005, texte que je n'ai pas retrouvé sur le site d'origine, mais sur un forum automobile (auto-forum.com). Comme il est en libre accès sur ce site, je me permets de le reproduire intégralement ici car il est riche d'enseignement :

 

" C'est aujourd'hui, au tribunal de grande instance de Bourges, que les deux experts indépendants mandatés par la justice doivent rendre leur Prérapport dans l'affaire de la " VelSatis folle " de Renault, dont le régulateur de vitesse serait resté bloqué pendant une heure, à près de 200 km/h sur l'A 71, le 3 octobre dernier. L'affaire avait, à l'époque, fait grand bruit
et, depuis, les cas se sont multipliés. Une association de victimes s'est constituée pour attaquer le constructeur.

Corinne Caillaud et Jean-Marc Philibert



Les régulateurs de vitesse n'ont pas encore livré tous leurs secrets, mais les experts commencent à y voir plus clair. Après avoir mis en doute les déclarations des automobilistes, les ingénieurs automobiles, et notamment ceux mobilisés par Renault dans son technocentre de Guyancourt, s'orientent en effet vers deux pistes distinctes. Une façon de reconnaître qu'il pourrait bien, finalement, y avoir un défaut dans les systèmes électroniques des voitures.

Selon nos informations, c'est d'abord le multiplexage qui est en cause. Ce procédé industriel permet de faire passer les ordres de plusieurs fonctions par un seul câble. Concrètement, le régulateur de vitesse, l' ABS, l' ESP (correcteur automatique de trajectoire), l'antipatinage ou encore les capteurs qui déclenchent automatiquement les essuie-glaces - tous contrôlés électroniquement - utilisent désormais le même câble. L'avantage est évident : le constructeur réduit le nombre, la longueur de ces câbles, diminue ses coûts et augmente les performances de sa voiture en allégeant le poids.
Pour éviter les " bugs ", les grandes marques ont toutes mis en place des procédures de contrôle, afin qu'une fonction défaillante n'influe pas sur les autres. Mais, dans le cas des régulateurs de vitesse, il semble bien que ces procédures ne donnent pas entière satisfaction. Ainsi, comme dans le cas d'un ordinateur qui " plante ", des informations contradictoires envoyées en même temps finissent par interférer directement sur le comportement de la voiture. Inoffensive la plupart du temps, ces erreurs toucheraient parfois le fonctionnement de l' ABS, sans que l'on comprenne encore très bien pourquoi et dans quelles conditions exactes. Ce que l'on sait en revanche, c'est que, dans ce cas, le calculateur de l' ABS recevrait l'information que les quatre roues de la voiture sont bloquées. Dès lors, remplissant normalement sa fonction, l'ABS empêcherait toute action sur le frein, ce qui expliquerait que les automobilistes victimes de ce type de problème aient sous les pieds " une pédale de frein dure comme du bois ".

La deuxième piste sur laquelle travaillent les ingénieurs est tout aussi technique. Selon cet autre scénario, c'est cette fois le blindage des câbles qui relient les calculateurs aux capteurs qui seraient en cause. Pas assez performant, le blindage de certains câbles pourrait ainsi faire l'objet d'interférences électromagnétiques. De sources officieuses, on reconnaît chez Renault l'éventualité d'une telle défaillance. Apparemment, le calculateur du régulateur de vitesse et celui de l' ABS - toujours - sont blindés classe 3, ce qui ne les met pas à l'abri de possibles parasitages. Un blindage plus épais, de classe 5 comme dans l'aéronautique, pourrait résoudre le problème. Toujours est-il que, en l'état actuel, des signaux parasites pourraient venir perturber les valeurs relevées par les différents capteurs et, là aussi, modifier le comportement de la voiture.

D'abord sceptique, la marque au losange pourrait bien finalement être mise face à ses responsabilités. Certes, sur les trente cas recensés, 26 lui apparaissent toujours comme " hautement improbables ", comme le disait l'ex-PDG Louis Schweitzer en mars. Mais, désormais, il devient plus difficile de n'avancer, en guise d'explication à ces dysfonctionnements, que l'erreur humaine ou de conducteurs qui se seraient " trompés de pé-dales ".

D'autant que, depuis le mois dernier, plusieurs victimes ont décidé de se fédérer pour mieux se défendre. En créant l'Association "droit des victimes de régula-teur de vitesse" (ADVRV), elles demandent à Renault le rappel de ses 600 000 véhicules équipés de régulateurs, une recommandation que le constructeur n'a pas souhaité suivre. Elles ont également souhaité que le gouvernement prenne des mesures dans le respect du principe de précaution. Si pour l'heure celui-ci s'est refusé à tout commentaire, il n'en reste pas moins que le ministère des Transports a interrogé la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le Comité des constructeurs français d'automobiles sur le sujet. Dans le même temps, une enquête a été demandée à la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) d'Ile-de-France afin qu'elle vérifie les travaux entrepris par la trentaine d'ingénieurs de Renault pour analyser le phénomène. Des résultats étaient là aussi attendus ces jours-ci.

 

Albert Benvéniste, chercheur à l' INRIA, explore les hypothèses qui expliqueraient les pannes :
" Les calculateurs peuvent détériorer les choses dans 1 % des cas "

Albert Benvéniste, cher-cheur à l'Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria), est spécialiste de l'électronique em-barquée.

LE FIGARO : Un pro-blème de calculateur pourrait être à l'origine des pannes de régulateur; cette thèse vous paraît -elle plausible ?
Albert BENVÉNISTE : La première génération de calculateurs digitaux installée sur les véhicules exigeait un calculateur par fonction : les systèmes étaient donc totalement isolés les uns des autres. Avec l'augmentation croissante de fonctions, il est arrivé que certains véhicules comportent plus de 70 calculateurs. Pour réduire leur nombre, un seul calculateur se charge aujourd'hui de plusieurs fonctions. C'est ce qu'on appelle le partage de ressources. De la même façon, la longueur des câbles est réduite grâce au " multiplexage ", qui consiste à faire transiter les données de plusieurs fonctions sur un même " bus " informatique (nom donné au réseau par lequel transitent les informations). Plusieurs fonctions ont donc à travailler dans un grand nombre de configurations différentes tout en partageant les mêmes outils de calcul et de communication. Afin d'éviter qu'en cas de problème une fonction défaillante pollue le reste du système, le logiciel a été conçu de façon à recréer un compartimentage virtuel. Mais les machines ont un tel nombre de configurations et de séquencements possibles, et le domaine à explorer, lors des tests de cet ensemble " logiciel-calculateur ", est si vaste qu'on ne peut être sûr que toutes les combinaisons ont été examinées. C'est ce qui explique qu'en cas d'anomalie on ne soit pas toujours capable de reproduire ce qui s'est passé.

Corinne CAILLAUD : Jusque-là, Renault a invoqué des défaillances humaines, indiquant qu'il pouvait y avoir confusion entre les trois pédales. Que cela vous inspire-t--il ?
Albert BENVÉNISTE : On ne peut pas exclure un problème qui combine le conducteur et la machine : à la suite d'une bizarrerie du véhicule, l'automobiliste se trouve plongé dans un tel stress qu'il se met à faire n'importe quoi. Rappelons qu'avec chaque progrès scientifique on crée une nouvelle gamme de risques. Là, on est dans un domaine où l'introduction de calculateurs peut améliorer les choses dans 99 % des cas et les détériorer dans 1 % des cas.

Corinne CAILLAUD : La seconde hypothèse avancée concerne d'éventuelles interférences électromagnétiques. Vous paraît-elle crédible ?
Albert BENVÉNISTE : Il est connu que des pannes intermittentes se produisent dans des situations de pollution électromagnétique. C'est pourquoi, dans les secteurs militaire ou spatial, on utilise des calculateurs durcis au moyen d'un blindage qui rend toute interférence impossible. Mais leur coût est nettement supérieur. Toutefois, cela n'explique pas que le frein devienne inopérant. Cette partie-là est mécanique et indépendante du calculateur. Quand bien même le frein se trouverait privé de son assistance, normalement on pour-rait toujours appuyer dessus. ( NdA : Mr Benveniste ignore que l'ABS peut bloquer les freins ! )



Renault n'est pas seul en cause.

Renault n'est pas le seul constructeur impliqué dans les dysfonctionnements de régulateurs. A moindre échelle, les autres marques ont, elles aussi, été victimes de problèmes identiques. Ainsi, le 29 mai 2004, c'est à bord d'une Peugeot 806 que les époux Prieur se font une grosse frayeur: A l'arrivée au péage de Villefranche, sur l'A6, régulateur enclenché à 130 km/h, la pédale de frein ne répond plus. Pour éviter les autres véhicules, la 806 finit sa course dans le muret de protection. La voiture est détruite, la conductrice se verra prescrire 90 jours d'ITT. Le constructeur ne décèle aucun défaut. Plus grave, le 11 septembre dernier, les époux Grandcollot, à bord d'un cabriolet VW Golf, modèle 2003, s'encastrent dans les barrières du péage d'Heudebouville, sur l'A13. Nadine, la femme, est gravement blessée dans l'accident. Les gendarmes ne constatent aucune trace de freinage. Le constructeur, lui, ne relève " aucune anomalie de fonctionnement ". Toujours au péage d'Heudebouville, le 14 novembre, c'est à bord d'un Ford Focus C-Max que Frédéric Doumont subit le même type d'avarie. Il s'en sort plutôt bien après avoir eu la présence d'esprit de tirer le frein à main. A l'issue d'un tête-à-queue, seule la carrosserie est endommagée. Après expertise, Ford France ne constate " aucun dysfonctionnement ".

Les problèmes d'" accélération soudaine " impliquant des régulateurs se sont multipliés au Canada, au Japon ou en Corée, sans oublier les Etats-Unis. Selon le docteur Antony Anderson, un expert britannique indépendant, tous les constructeurs, de GM à Nissan, en passant par Jaguar, ont été affectés à des degrés divers par des problèmes liés à l'électronique.
"

J. M. P.

Ce ne sont que des tentatives d'explication, mais cela fait froid dans le dos. Ainsi, on découvre que l'automobile a droit à un traitement au rabais par rapport à l'aéronautique au niveau blindage des composants électroniques. Par ailleurs, je vous conseille la lecture de trois autres écrits : les réponses d'un spécialiste en compatibilité électromagnétique relativisent un peu le contenu du Figaro, mais le doute reste entier dans cet autre article qui aborde diverses hypothèses, ainsi que dans celui-ci.

 

Dressons à présent une petite conclusion à ce dossier.

 

</MikE - jul 2006>

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